Changer de regard grâce au portrait dessiné

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Selon Gérard Bauër, « La voix est un second visage ». Celle d’Aurélie est une invitation à décélérer : elle indique le tempo, celui de la réflexion.

Elle invite à poser ou revoir les fondations de nos actions. Elle en appelle à notre intelligence, pour éviter la tentation des recettes toutes faites et rechercher ce qui fait sens.

 

« La première fois que je t’ai entendue, je me suis dit : ‘Oh la la ! Elle a le cerveau lent !’ »

Aurélie me rapporte les aveux d’une amie et complète en souriant : « J’ai une voix qui peut donner l’impression que ça ne tourne pas vite. En revanche, c’est drôle, je n’arrive pas à écrire lentement ! »

Le visage d’Aurélie a quelque chose de mature et juvénile à la fois. Y a-t-il une photo d’elle qu’elle aime particulièrement ? « Sur mon profil LinkedIn : elle n’est pas très nette mais je suis à peu près bien coiffée et je souris… C’était pendant une conférence que je donnais à l’ESSEC.

Curieusement, quel que soit le nombre de personnes, je ne suis pas impressionnée. C’est peut-être parce que je ne me mets pas en danger : je délivre simplement de l’information. Ce qu’on apprécie ? On me dit que je suis structurée et que je parle simplement. »

Aurélie aide les entreprises à se transformer et anime des ateliers et des conférences sur le design thinking. Elle a aussi écrit plusieurs livres sur le sujet. « J’aimais déjà le design comme objet. Mais en 2010, ça a été le coup de foudre : j’ai découvert que c’était une démarche globale de recherche de solutions, qui place l’humain au centre.

L’ambition historique de designers, c’est d’améliorer le monde. William Morris ne créait pas seulement de beaux objets à l’époque de la révolution industrielle, il s’intéressait également à l’organisation de l’entreprise.

Aujourd’hui, le terme « design thinking » est galvaudé. Contrairement à ce que Tim Brown a dit, tout le monde ne peut pas faire du design thinking, il s’agit d’abord d’un état d’esprit. Si l’état d’esprit n’est pas là, ça ne vaut rien. »

Aurélie a également écrit un livre illustré « D’un soleil à l’autre » à partir de la maladie psychique de sa mère, et qui s’adresse aux enfants dans le même cas. « Je voulais quelque chose de chaleureux, gai, lumineux, surtout pas plombant. C’est un support à la discussion, à lire à quatre mains. Avec un parent malade, tu surdéveloppes ton empathie, tu cherches à protéger ton parent malade. Je voulais mettre des mots sur ce que les enfants ressentent et leur apprendre à être un peu égoïstes. »

A la remise du prix coup de cœur de Ocirp Handicap chez Radio France, « c’est la première fois que je me suis sentie super mal face à une audience. Les lumières se sont braquées sur moi et tout à coup, j’étais en larmes. Je ne sais plus ce que j’ai dit, j’arrivais à peine à parler. Tout le monde a trouvé ça très émouvant. Alors que moi, je me disais : ‘Moi qui croyais m’en être sortie, je n’ai en fait rien réglé du tout !’ Et c’était aussi très intime, ce n’était pas du design thinking !

Mais ça m’a fait du bien. J’étais émue parce que j’avais de la reconnaissance avec ce prix, de la part de beaucoup de personnes que je ne connaissais pas.

Pourquoi j’ai fait ce livre ? Parce que j’avais besoin de tourner la page sur ma mère, pour m’occuper de mes enfants et parce que j’avais besoin de donner du sens à ce que j’ai vécu en m’en servant pour aider d’autres enfants.

Il n’y a presque rien sur le sujet pour les enfants de personnes bipolaires, or on a tous besoin d’avoir des parents structurants. Quand ce n’est pas le cas, c’est très fragilisant. J’ai appris que dans certains pays, les psychiatres demandent à voir les enfants quand un parent vient les consulter.

‘J’ai regardé les photos, tu n’avais pas l’air malheureuse’, m’a dit un jour ma grand mère, que j’adore. Elle n’a simplement pas compris ce que je vivais. En tout cas, elle a été pour moi un repère très important : elle est toujours très gaie, elle rigole tout le temps, elle est hyper organisée et chaleureuse. À 98 ans, elle a gardé son petit air malicieux.

Ce que j’ai envie de faire aujourd’hui ? Me former au coaching par les neurosciences appliquées, expérimenter d’autres projets en entreprises et aussi dans l’éducation, écrire d’autres livres. Bref, lancer des bouteilles à la mer. M’efforcer d’être utile, toujours à partir de mes envies.

Quand on fait des choses vraies, elles permettent de vraies rencontres.

Et pour que ce soit vrai, il faut que ça vienne de toi, que ce soit personnel. » 

 

Rencontre réalisée en octobre 2018