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À force de travail

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À force de travail

« Elles sont tellement différentes les unes des autres, elles aiment se retrouver et faire les folles. Tenez, la semaine dernière dans la cuisine, de la chantilly partout ! » Ana me montre une photo sur son téléphone.

Nous sommes chez elle dans la résidence de logements sociaux du Petit-Noisy. Ses filles ont effacé toute trace de leur fiesta, elles ne sont de toutes façons pas avares en huile de coude.

Les deux premières travaillent en même temps qu’elles étudient, l’une dans le secteur sanitaire et social, l’autre en commerce international. La troisième attaque médecine après un bac S à Louis-le-Grand. « Malgré les conseils des professeurs, je me suis demandée si j’avais bien fait de l’envoyer là-dedans. La demande de travail est tellement forte ! Mais elle a pas lâché. Aujourd’hui, elle a acquis des automatismes qui lui servent énormément. »

Les trois filles ont aussi un frère et une sœur issus d’une première union de leur père au Mali. Il habitait un foyer à Montreuil quand Ana et lui se sont rencontrés dans la société de nettoyage où ils travaillaient tous les deux.

« Quand je me suis mariée avec un malien, je me suis mariée avec tout le Mali ! Si une personne a un problème, c’est tout son entourage qui va le résoudre. Comme il a beaucoup de bonnes paroles, mon mari est très consulté.

C’est quelqu’un qui n’est jamais allé à l’école, qui ne savait ni lire ni écrire avant d’arriver en France. À force de travail, il a pu nourrir tout la famille là-bas au village. Alors il est très estimé et la plupart du temps les débats se terminent ici, dans ce salon.

Ça fait 25 ans et souvent les gens sont surpris qu’on reste toujours ensemble. Mais moi j’ai trouvé quelqu’un qui me comprend. Ce qui m’a énormément touchée dans la manière d’être et de vivre des maliens, c’est qu’en fin de compte, ils vivent de la même façon que nous au Portugal.

Entre mon mari et moi, les choses se sont bâties peu à peu. Il faut dire “ Oui j’aime ”, “ Non j’aime pas ” et bien savoir où sont les limites de chacun. Quand il y a deux cultures différentes, si chacun y met du sien, on arrive à bien vivre. » 

Rencontre réalisée en septembre 2017