
Du Pérou à Paris
Du Pérou à Paris
« Excusez-nous pour la prononciation » me prévient Margarita, la mère d’Elena avec qui nous nous retrouvons pour réaliser son portrait.
La langue française, ni Margarita ni Elena ne la connaissaient quand elles sont arrivées du Pérou, âgées respectivement de 46 et 28 ans.
Margarita : « Là, c’est Lima. Moi je suis de l’autre côté, une grande ville proche de l’Equateur, elle s’appelle Trujillo. Comme j’étais pauvre et j’élevais les deux enfants seule, c’est moi qui ai travaillé pour les faire grandir. Je ne connais pas Machu Picchu… Je le connais ici quand regarde la télévision. (rires) Je jamais été là-bas parce que c’est cher ! Je suis du Pérou pero no le connais.
Je suis partie pour la pauvreté. Et quand je cherche travail ici, pas facile. On ne t’écoute pas, parce que pas bien parler le français ; tout de suite raccroche le téléphone. Après je travaillais comme femme de ménage chez les personnes. Grâce à Dieu je suis debout » me dit Margarita en souriant.
Et se tournant vers Elena : « C’est pour ça qu’à elle, je dis que apprendre le minimum à parler le français. »
« La langue pour nous, c’est des problèmes aussi à cause de handicap » m’explique Elena. Sa mère apporte une précision : « C’est mental, léger. C’est petit. Elle reste un peu comme un enfant, pas autre chose. Pas handicapée aggressivas, elle est normale. » Je montre mon étonnement amusé : Elena ne me semble pas le moins du monde aggressivas. Mais je comprends que c’est un atout certain lorsqu’Elena m’explique ce qu’elle sait faire : la broderie… une activité où je m’imagine vite perdre patience et devenir aggressivas !
Elena a travaillé pendant huit ans dans un Etablissement et Service d’aide par le Travail. « Pour le centre de travail, j’ai fait une création. Un grand tableau, une commande. El director m’a dit : “ Elena, c’est très cher, c’est vous qui allez faire bien ce travail. ” Je fini ce travail, tout-tout-tout. La monitrice elle me dit : “ Elena ce travail, c’est très joli. ” Je l’ai fait vite-vite-vite parce que c’est une commande. Et après c’est fini, et la dame est très contente de mon travail. Ensuite j’ai fait une couverture. Et ensuite une robe de mariage. »
Je trouve justement à Elena une allure de créatrice. Et que fait-elle au Centre socioculturel Etincelles ? « La marionetta avec l’atelier. Je brode la petite tête. » J’apprends qu’Elena suit un atelier de fabrication de marionnettes et sa maîtrise de la broderie lui a permis d’ajouter sa touche personnelle, notamment sur les visages.
Le centre Etincelles permet aussi de suivre des cours de français. Aujourd’hui à la retraite, Margarita a déjà essayé auparavant : « Je travaillais à Boulogne. Je montais à Montparnasse pour étudier le français. La soirée, deux fois, trois fois par semaine, beaucoup de monde pour bien apprendre, gratuitement. Mais moi je dormais. Jamais je peux apprendre. Dans la journée j’écoutais, j’aimais beaucoup le journal de la télévision et le patron quelquefois, il me parlait, quelquefois non.
Nous les deux, tout le temps nous parlons espagnol à la maison. Pour aller chez le médecin, c’est aussi très difficile, et c’est dur pour trouver une autre personne qui parle bien le français pour nous accompagner.
C’est pour ça que j’aime que Elena apprend. C’est pour ça qu’à elle, je dis apprendre parce que moi je ne vais pas rester tout le temps à ses côtés. »
Rencontre réalisée en mai 2017