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Il était une fois une fille et un garçon

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Il était une fois une fille et un garçon

Juliette est en CE2. Elle me raconte la pièce qu’ils ont écrite, montée et jouée cette année.

« On commence par ‘Il était une fois’. Il était une fois une fille et un garçon, ils s’étaient discutés. »

– « Disputés », chuchote gentiment sa mère.

– « Il y avait une guerre, nous on était des coquettes. Les garçons y zarrêtaient pas de travailler et y s’ennuyaient sans nous. Y zont envoyé un espion avec une perruque. On était entrain de prendre notre tasse de thé. Je devais dire : ‘Emmenez-moi cet imposteur immédiatement !’. Et lui : ‘Les garçons venez me sauver !’ Et eux : ‘Oui oui on arrive !’ Et après on se réconcilie et après on danse. »

Avec un tel teaser, j’ai envie d’en savoir plus. Juliette, très patiente, m’explique : « L’idée, c’est une fille qui se discute avec un garçon. »

Je note fidèlement les dialogues.

La fille : « C’est toujours moi qui fait à manger ! Et comment tu trouves ma nouvelle robe ? »
Le garçon: « Bof. Moi j’ai travaillé pendant des heures. »
La fille : « Et c’est qui qui te prépare ton dîner ? (Juliette, main sur la hanche) Les filles ! Venez écouter ce qu’un garçon m’a dit ! »
Le garçon : « Les garçons ! Venez écouter ce qu’une fille m’a dit ! »

Juliette me commente la scène : « Du coup, tout le monde construit un mur. » Et une fois le mur construit…

Les garçons : « Qu’est-ce qu’on s’ennuie. Comme elles ont l’air heureuses ! »
Les filles : « Oui, c’est parce qu’on est sans vous ! »
Les garçons : « Oh hisse ! »

Moi : « Pourquoi ‘Oh hisse’ ? »

Juliette : « Ben parce que les garçons font passer un espion par dessus le mur. »

OK d’accord. Et ensuite ?

Les filles : « Qui tu es ? »
Le garçon : « Oh, je suis une nouvelle fille. »
Les filles : « J’peux voir tes ooooooooooongles ? J’peux voir ta coiffuuuuuuuuuuure ? »

Et crac, c’est là que les filles découvrent la supercherie en enlevant sa perruque.

Le garçon : « Oh la la ! Dans quel pétrin je me suis mis. » Il appelle ses copains : « Levez-vous les amis ! »

Conciliabule de l’autre côté du mur :
– « On devrait l’aider »
– « Ben oui mais il s’est engagé ! »
– « Oui mais c’est notre ami. »

Un garçon intervient : « J’ai une solution mais ça va pas vous plaire. C’est de se réconcilier avec les filles. »

Les garçons : « Oh non ! »
Et le garçon « qui s’est discuté avec la fille : ‘Oh non pas du tout !’ »

Et le garçon qui attend toujours que ses potes viennent l’aider : « Hé les gars ! Vous venez me sauver ? »

Les garçons : « A l’attaque ! »

Puis un autre dit : « Stop ! Pourquoi on se réconcilierait pas ? »

« Du coup », me raconte Juliette, « on dit : ‘Bon d’accord’. Et chacun enlève une brique du mur et dit par exemple : ‘Désolé d’avoir dit que tu étais grosse comme un cochon.’ ou ‘Désolé d’avoir dit que tu étais un hippopotamus’. »

Moi : « C’est quoi un hippopotamus ? »

Juliette : « Ben c’est un restaurant ! »

Moi (réfrénant un « Ben je sais que c’est un restaurant ! ») : « Euh… Oui mais que voulait dire le garçon ? »

Juliette : « Que je faisais des choses comme un hippopotame. »

Logique. C’est juste que parfois entre adultes et enfants, on croit se comprendre alors qu’on ne s’est pas compris. Quand on me parlait d’aller au palais des glaces de la foire de Nancy, j’ai longtemps imaginé des cornets géants, bourrés de parfums savoureux.

Juliette : « Après on fait une pyramide qui tient, et puis on danse. »

Ben oui.


Rencontre réalisée en mai 2016

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