Mieux se comprendre

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Mieux se comprendre

« Les études en sciences ne me déplaisaient pas, j’étais bon en physique, on me disait qu’il y avait du travail dans cette voie. Mais je trouvais ça un peu froid. J’ai quand même été jusqu’au diplôme… et puis j’ai bifurqué.

Je dessine depuis que je suis tout petit et les mangas m’ont toujours passionné. Plus tard au lycée, je dessinais pour passer le temps pendant les cours. Le prof qui m’a marqué positivement, c’est le prof d’arts plastiques : il m’a soutenu, je le considérais presque comme un père, comme un sensei – un maître, en japonais.

J’ai postulé dans des écoles de dessin animé et j’ai été accepté à Marseille. En cherchant un appartement, je suis tombé sur une annonce de colocation solidaire : le loyer est moins cher et en échange, tu participes à des projets avec les jeunes en difficulté. Je me suis donc engagé dans une association et j’ai ressenti une chaleur humaine incroyable ! Je me suis dit : ‘C’est bien, ça ! Je m’engage et ça me rend plus heureux !’

Après mes études, j’avais très envie de découvrir encore d’autres cultures. J’ai pu partir dans le cadre d’un service civique en Indonésie où j’ai enseigné l’anglais dans des villages. Les gens étaient ultra sympas ! Malheureusement, j’ai dû revenir plus tôt à cause du Covid.

Toutes ces rencontres et les amitiés profondes qu’il en reste m’ont donné confiance en moi : je suis très timide, j’avais beaucoup de difficulté à parler aux gens. Petit-à-petit, je me suis construit grâce à toutes ces expériences.

À mon retour, on m’a parlé d’E-Fabrik’, où on apprend à créer des prototypes pour les personnes handicapées. Un de leurs locaux est ici, à la Muette et Libération. J’ai rarement rencontré des personnes en situation de handicap : je me suis dit que les côtoyer m’aiderait à comprendre encore mieux le monde. Il y a une ambiance bon enfant et on apprend beaucoup les uns des autres. Avec Abdoulaye et un associé en situation de handicap du foyer Isabelle à Bobigny, on a réfléchi à un projet. Il aime bien le djembé alors on a construit une table avec plusieurs instruments pour jouer de la musique en collectif. Comme certains handicaps font qu’on peut avoir du mal à s’exprimer, la musique permet de communiquer sans paroles.

Nous les humains, on a vraiment besoin de communication ! On est tous sur nos smartphones à montrer nos vies sur les réseaux comme si elles étaient parfaites et on a de moins en moins de vraies relations. Je pense que c’est un des plus gros problèmes dans notre société et qu’il faut régler ça… comme j’aimerais d’ailleurs arriver à mieux communiquer avec mes parents.

Ils sont nés en Chine, je suis né en France et il y a deux grosses barrières entre nous : la langue et la culture. Je ne maîtrise pas assez leur dialecte et ils ne maîtrisent pas assez le français, même s’ils ont pris des cours. Ce que je connais de leur langue, ce sont des trucs de la vie courante. Si je veux leur exprimer quelque chose de plus profond, je n’y arrive pas.

J’aimerais beaucoup corriger ça et ça ne se fait pas facilement. Nous n’avons pas la même sensibilité et quand je suis triste, je prends sur moi car ils ont déjà leurs propres problèmes. Ils ont toujours énormément travaillé, du matin jusque dans la nuit. On ne se fait pas trop de signes d’affection. L’amour est là, c’est juste qu’on ne le montre pas. Mes parents m’ont appris la résilience.

J’ai longtemps été dans mon coin et je n’avais pas beaucoup d’expérience. Je me suis rendu compte que si je restais sans rien faire, il ne se passerait rien. Il faut essayer, même si on se trompe. Ne pas se mettre des barrières. C’est comme un arbre : tu choisis un chemin, sur ce chemin tu fais des rencontres qui créent des nouvelles possibilités, d’autres branches, et puis d’autres branches encore. Ma devise maintenant, c’est : “Pourquoi pas ?” »

Photographie : Matteo Pellegrinuzzi

Rencontre avec Sébastien en mars 2021 pour le projet « Regards de la Muette – Portraits dessinés et racontés d’habitants et d’acteurs de Drancy »
 

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