Donner ce qui m’a été donné

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Donner ce qui m’a été donné

“Mon enfance n’a pas été simple du tout… Un jour, on m’a proposé d’aller voir un éducateur et je lui ai tout raconté. Il est venu avec moi et il parlé avec mon père toute la nuit. À partir de là, mon père n’a plus jamais levé la main sur moi. J’ai trouvé ça tellement spectaculaire, je me suis dit que plus tard, je ferais ce métier d’éducateur pour donner ce qui m’a été donné ce jour-là.”

Florence me fait découvrir son quotidien d’éducatrice familiale chez ACTION ENFANCE, dans le Village d’Enfants et d’Adolescents de Villabé : “Bienvenue dans le pavillon Papillons ! Ici, je vis une semaine sur deux avec six enfants de huit à onze ans : nous les accompagnons à l’école, pour leurs activités sportives, chez leurs amis pour des anniversaires, pour les visites médiatisées *, ou pour leurs rendez-vous chez l’orthophoniste, le dentiste, le psychologue…

Il y a aussi les jeux, les sorties et les séjours. L’année dernière, comme les volcans les fascinent, nous sommes partis en Auvergne.

Je recueille aussi toutes les émotions des enfants au quotidien, la colère, la joie, leurs interrogations… Et il y a tout l’administratif ; là, par exemple, j’ai un rapport à terminer. Ça nécessite du temps, de la réflexion mais je sais pourquoi je le fais, ça nous permet d’échanger avec les collègues sur ce que nous observons, un mal être, les progrès réalisés, et de trouver une solution.

Pour l’entretien du pavillon auquel les enfants participent aussi selon leur âge, nous avons la chance d’avoir une maîtresse de maison magnifique, Cécilia. Elle nous aide beaucoup dans l’éducation des enfants. Il y a aussi une éducatrice d’appui, et les éducateurs familiaux de renfort qui interviennent selon les besoins, pour garder les enfants par exemple, quand nous sommes à l’extérieur, ou pour gérer des conflits naissants. Nous sommes très complémentaires. On est tous le moteur de chacun.”

– Ce que vous me racontez me fait penser à ce dicton africain : pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village.

– Exactement ! Ici, c’est vraiment ça.

Et si parfois je me sens fatiguée, ce qui me redonne du peps, ce sont tous les petits moments de bonheur avec les enfants. Avec eux, c’est un renouveau permanent.

Et j’adore leurs histoires et leurs mimiques ! Ou quand ils essayent de me cacher quelque chose, quand ils mettent en œuvre tous leurs charmes pour m’amadouer, et me disent : “Ah mais comment tu le sais?”

Ils n’imaginent pas à quel point on les connaît. Chacun a ses atouts : chez l’un, une grande capacité d’attention aux autres, chez l’autre un sens comique avec un vrai talent d’imitateur, chez un autre encore, une grande curiosité doublée d’une grosse mémoire…

Il y a aussi ces caps que je les vois franchir à l’école : quand ils arrivent à comprendre un problème de mathématique, une question de français, qu’ils obtiennent une bonne note là où ils rencontraient des difficultés, ils sont tellement fiers et je suis tellement fière d’eux ! Je vois cette volonté de s’en sortir, de découvrir, d’apprendre. Une jeune fille est d’ailleurs sportive de haut niveau et fait partie du conseil municipal des jeunes.

Il arrive aussi que pas une semaine ne se passe sans un gros problème. Alors le weekend dernier par exemple, à l’un d’entre eux que j’avais privé d’écran pour le punir, j’ai dit : “Allez viens, on souffle un peu, on va se faire plaisir, on va au cinéma.” Vous auriez vu ce sourire !

Quand les enfants font des erreurs, je les reprends, je les gronde au besoin et je fais surtout en sorte de les aider à comprendre ce qu’il s’est passé. C’est important qu’ils se servent de leurs erreurs pour avancer sans se dévaluer. Elles font partie de l’apprentissage.

Je leur raconte parfois mon expérience. À l’école, franchement, j’avais des moins douze en maths ! J’ai fait deux secondes et je n’ai pas eu mon bac. J’étais trop prise par les problèmes à la maison pour me concentrer. Aujourd’hui pourtant, je viens d’obtenir mon diplôme d’éducatrice spécialisée après une VAE et un BTS dans le secteur social.

– Ce métier que vous aviez envisagé très jeune, c’est donc bien plus tard que vous avez pu l’exercer ?

– En raison de ma scolarité chaotique, j’ai été orientée vers le métier de dactylo. Mais j’ai toujours gardé à l’esprit l’idée de devenir éducatrice et le jour où j’ai eu l’occasion de m’en rapprocher, hé bien, je l’ai fait.

Voilà ce que j’explique aux enfants : “Ne te dis jamais que tu es nul, sinon c’est là que tu te mets des barrières. Bien sûr, quand tu as jeté un ballon alors que tu savais que ça allait casser quelque chose, ce que tu as fait est nul, point. Mais on n’est pas nul, on ne naît pas nul. S’il y a quelque chose que tu n’arrives pas à faire maintenant, ça ne veut pas dire que tu ne pourras jamais le faire. Cette expérience que tu vis aujourd’hui, tôt ou tard, tu pourras en faire quelque chose.”

* Les visites médiatisées sont organisées pour permettre aux parents et aux enfants de se rencontrer en présence d’un tiers.

Rencontre en avril 2022

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